Après avoir élaboré une méthodologie globale de conduite de projet en faveur des écosystèmes grâce à la norme NF X10-900, les professionnels du génie écologique se sont attelés à la formalisation d’un nouveau référentiel destiné à préciser les conditions de réalisation d’états initiaux rigoureux et documentés. Dans cet article, nous verrons quels sont les objectifs et les implications de cette nouvelle norme, intitulée « Biodiversité et génie écologique – Démarche de conduite d’un état initial de la biodiversité dans le cadre d’un projet ».
Un socle de base des études environnementales
Favoriser la résilience des écosystèmes, préserver, maintenir et améliorer leurs fonctionnalités écologiques, nécessite de bien les connaître et les comprendre. Il s’agit de garantir une « connaissance rigoureuse des espèces, des habitats, de leurs interrelations, ainsi que du fonctionnement des écosystèmes« , toujours avec humilité (cf. Manifeste du génie écologique). C’est ainsi que « la réalisation précise d’états initiaux écologiques de la biodiversité devient donc un préalable indispensable à tout projet de travaux, de construction ou d’aménagement. » (Avant-Propos de la norme NF X32-102).
Cette nouvelle norme est un zoom de la première étape de la méthode de conduite de projet de génie écologique. En effet, « la description et le fonctionnement écologique d’un site concerné par un projet sont déterminants, aussi bien pour la réalisation effective du projet que pour sa bonne intégration dans le fonctionnement de l’écosystème. » C’est la première et la plus importante étape pour concevoir un projet viable et cohérent. Cela justifie en soi d’y consacrer du temps et des moyens.
La norme NF X32-102 propose un cadre méthodologique précis. La mise en contexte, la justification des investigations, et la prise en notes d’informations supplémentaires sur les conditions de réalisation de l’étude permettent de garantir sa transparence et sa qualité. « Par ailleurs, l’état initial de la biodiversité, pour les projets soumis à une autorisation administrative, constitue le socle de base des études environnementales, qui déterminent les impacts du projet et proposent des mesures d’évitement, de réduction et éventuellement de compensation (cf. séquence ERC). Les états initiaux sont un élément préalable constituant un gage de qualité du projet vis-à-vis de la biodiversité pour les porteurs de projet et de la préservation des enjeux écologiques en présence.«
Expliquer le contexte, les résultats, et les limites d’une étude
Une donnée naturaliste ne signifie pas grand chose si elle est dépourvue de son contexte et des conditions de son obtention. L’idée est ainsi d’abonder les informations nécessaires pour comprendre le déroulement et les conditions de réalisation de l’étude. On renforce la rigueur scientifique pour garantir professionnalisme et transparence sur les études menées. « Les états initiaux, soumis ou non à autorisation administrative, sont souvent lacunaires. C’est parfois par défaut d’identification des questions pertinentes à traiter. Ils souffrent souvent d’un manque d’intégration des interrelations entre différentes échelles (espèce, habitat, écosystème) ainsi que d’une absence de prise en compte des aspects dynamiques (dans le temps et dans l’espace).«
Cela vaut également au niveau règlementaire, vis à vis de la protection d’espèces et d’habitats, ou de la compensation écologique. Par exemple, pour un bureau d’étude qui n’aurait rien trouvé lors d’inventaires d’espèces protégées. Soit il n’y a effectivement aucune espèces protégées qui vivent, se nourrissent, se reproduisent, ou passent dans cette zone à aucun moment de l’année ; soit l’étude n’a pas été réalisée au bon endroit, au bon moment, ou de façon assez précise. L’essentiel est de renseigner ces données pour pouvoir questionner les résultats en connaissance de cause. « Le contenu d’un état initial est défini de manière itérative au regard des enjeux de biodiversité sur le site et de la nature des impacts qu’un projet serait susceptible d’engendrer. Chaque état initial est alors très particulier, et les investigations à conduire peuvent différer d’un projet à l’autre.«
Le respect de l’unicité de chaque projet permettra autant leur viabilité économique que leur compatibilité avec les écosystèmes impliqués. « Le dimensionnement d’un état initial (aires d’études, durée, complexité, investigations), est très variable en fonction des caractéristiques écologiques du site, du projet envisagé, de la diversité des compartiments biologiques à étudier et des moyens mis en œuvre, à adapter à l’envergure du projet.«
Un outil destiné à tous les acteurs de l’aménagement
Jusqu’ici, « en l’absence de cadre technique de référence utilisable par un porteur de projet pour établir un cahier des charges ou par les services instructeurs pour l’analyse des dossiers, les études menées sont parfois inadaptées ou partielles, empêchant une bonne prise en compte des enjeux écologiques. » C’est pourquoi cette norme se destine tout autant à la maîtrise d’ouvrage qu’à la maîtrise d’œuvre. L’objectif est de permettre aux porteurs de projets de prescrire cette rigueur dans leurs demandes. Ils seront également en capacité de poser les questions les plus pertinentes au regard des enjeux du projet. Les maîtres d’œuvre, collectivités, services de l’Etat, se doivent quant à eux d’adopter ce cadre méthodologique. L’objectif les concernant est de garantir la qualité des conduites d’états initiaux.
Finalement, l’effet à obtenir est bien une meilleure prise en compte du bien commun précieux que constituent les équilibres écosystémiques. Les activités humaines continueront de se développer si et seulement si cela se fait dans le respect de ces équilibres. Il s’agit de transcender nos habituels modes d’aménagements pour replacer la biodiversité au cœur de chaque projet.
A bientôt sur le Campus des Systèmes Vivants !
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Editorial de Fabien Claireau dans la lettre d’information n°79 de l’UPGE
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